Le rapport de Dunsky pour l’Association pour la Santé Publique du Québec (ASPQ), intitulé « Décarbonation du secteur de la santé au Québec », se concentre sur une stratégie ambitieuse visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) du système de santé québécois d'ici 2040. Ce secteur, crucial pour la société, génère environ 3,6 % des émissions provinciales, notamment à travers la gestion des bâtiments, des équipements médicaux et du transport. Le rapport présente un plan d’action qui allie à la fois des avantages environnementaux, économiques et des bénéfices pour la santé publique. Voici une analyse approfondie du rapport et des solutions proposées.
Contexte et objectifs
Le secteur de la santé est responsable d'une part significative des émissions de GES dans de nombreux pays, et le Québec ne fait pas exception. Le rapport Dunsky examine les principaux contributeurs de ces émissions, tels que les systèmes de chauffage, de climatisation et d'électricité des bâtiments de santé, les gaz médicaux (comme les anesthésiques), et les transports, tant pour les patients que pour les professionnels. L'objectif est de proposer une feuille de route pour réduire ces émissions de manière radicale tout en assurant une continuité des soins de qualité.
Objectif clé : Réduire les émissions de GES du secteur de la santé d’au moins 55 % d’ici 2040, tout en atteignant des cibles intermédiaires d’ici 2030.
Les principaux leviers de décarbonation
Dunsky identifie plusieurs axes d'intervention pour atteindre cet objectif ambitieux. Ces axes sont répartis en fonction des principaux secteurs émetteurs de GES dans le système de santé québécois.
1. Décarbonation des bâtiments de santé
Les hôpitaux, cliniques, et autres établissements de santé sont des infrastructures énergivores, avec des besoins importants en chauffage et en climatisation, souvent alimentés par des combustibles fossiles. Le rapport préconise :
Électrification des systèmes de chauffage : Le passage à des systèmes électriques alimentés par une électricité verte permettrait de réduire significativement les émissions, le Québec bénéficiant déjà d'une production énergétique principalement hydroélectrique.
Rénovation et efficacité énergétique : La modernisation des infrastructures de santé, avec une meilleure isolation thermique et l’intégration de technologies de gestion de l’énergie, pourrait également générer des économies d’énergie tout en réduisant les émissions.
Les investissements dans l'efficacité énergétique offrent des avantages à long terme, non seulement en termes de réduction des émissions, mais aussi de réduction des coûts d'exploitation.
2. Réduction des émissions liées aux gaz médicaux
Les gaz anesthésiques utilisés dans les hôpitaux sont des sources sous-estimées mais importantes de GES. Le rapport propose de :
Remplacer certains gaz : Certains anesthésiques, comme le desflurane, sont particulièrement polluants et peuvent être remplacés par des alternatives ayant un impact moindre.
Recycler et capter les gaz : La mise en place de systèmes de récupération des gaz médicaux pourrait limiter leur libération dans l'atmosphère.
3. Transport durable dans le système de santé
Le transport représente une part importante des émissions du secteur, que ce soit par les déplacements quotidiens des professionnels de santé ou les transports d'urgence.
Véhicules électriques : Le rapport suggère de favoriser l'électrification de la flotte de véhicules utilisés pour les soins d'urgence et le transport des patients.
Téléconsultations : En encourageant la télémédecine, il serait possible de réduire le nombre de déplacements physiques des patients et ainsi de limiter les émissions liées au transport.
Les bénéfices pour la santé publique
Le rapport met également en évidence un autre aspect crucial de la décarbonation du secteur de la santé : les co-bénéfices pour la santé publique. En réduisant les émissions de GES, on réduit également les polluants atmosphériques, qui sont à l'origine de nombreuses maladies respiratoires et cardiovasculaires. Ainsi, décarboner le secteur de la santé n'a pas seulement un impact environnemental, mais aussi direct sur la qualité de vie des citoyens.
Par ailleurs, la transition vers un secteur de la santé plus vert peut aussi renforcer la résilience du système face aux crises futures. En effet, les hôpitaux qui consomment moins d’énergie et qui sont alimentés par des sources renouvelables seront mieux préparés à faire face aux fluctuations des prix de l’énergie ou à des interruptions d’approvisionnement en cas de catastrophe naturelle.
Les obstacles à surmonter et les recommandations
Bien que le rapport identifie de nombreuses pistes de solution, il reconnaît aussi des obstacles à surmonter pour atteindre les objectifs de décarbonation :
Coût des investissements initiaux : La transition vers un secteur de la santé bas-carbone nécessitera des investissements substantiels, notamment pour moderniser les infrastructures et intégrer de nouvelles technologies.
Changement des pratiques médicales : Le passage à des pratiques plus durables, notamment en ce qui concerne l’utilisation des gaz médicaux, demandera une formation et une sensibilisation des professionnels de santé.
Soutien gouvernemental : Le rapport insiste sur l’importance d’un soutien fort de la part des autorités publiques. Des subventions, des incitations fiscales, ainsi que des réglementations plus strictes sont nécessaires pour encourager les établissements de santé à adopter ces changements.
Pour lever ces obstacles, Dunsky recommande une approche coordonnée impliquant non seulement le secteur de la santé, mais aussi les ministères de la santé et de l'environnement, ainsi que des partenaires privés et publics.
Conclusion : Une transformation nécessaire et bénéfique
Le rapport de Dunsky montre qu'il est non seulement nécessaire mais possible de décarboner le secteur de la santé québécois. En mettant en œuvre les recommandations proposées, le Québec pourrait non seulement atteindre ses objectifs climatiques, mais aussi renforcer son système de santé tout en améliorant la qualité de vie de ses citoyens.
Cependant, cette transformation nécessitera des efforts conjoints de la part de tous les acteurs impliqués : professionnels de santé, gestionnaires d'hôpitaux, décideurs publics, et citoyens. Il s'agit d'une occasion unique de lier des objectifs environnementaux à des bénéfices économiques et sanitaires durables.
