Introduction
1. Impact global des émissions
Le secteur de la santé, dont la mission principale est d'améliorer la santé humaine, est aussi une source majeure d'émissions de gaz à effet de serre (GES). Le rapport "Health Care’s Climate Footprint" révèle que les systèmes de soins de santé mondiaux sont responsables de 4,4 % des émissions mondiales de GES. Cela signifie que si ce secteur était un pays, il serait le cinquième plus grand émetteur, surpassant des nations comme le Japon ou la Russie.
Les émissions de gaz à effet de serre dans ce domaine proviennent essentiellement de trois sources principales : l'énergie consommée par les établissements de santé, la chaîne d'approvisionnement et la production d’électricité. Ces émissions sont responsables de l'augmentation des risques sanitaires globaux, avec des impacts directs sur les populations les plus vulnérables et sur la qualité des soins à long terme.
2. Contexte et objectifs du rapport
Le rapport "Health Care’s Climate Footprint", publié par Health Care Without Harm et Arup, vise à fournir une analyse globale de l'empreinte climatique du secteur de la santé. Il propose des solutions pratiques pour réduire cette empreinte tout en maintenant un niveau de soins élevé et accessible. Le rapport se concentre sur l'identification des sources d'émissions dans le secteur et met en avant des recommandations pour transformer les systèmes de santé, les rendre plus durables et résilients.
L'objectif principal est de montrer que la réduction de l'empreinte carbone est compatible avec la fourniture de soins de qualité. En adoptant des stratégies innovantes et en collaborant avec les gouvernements, les professionnels de la santé et le secteur privé, il est possible de réduire considérablement les émissions sans compromettre la sécurité des patients ou les services fournis.
I. L'analyse chiffrée de l'empreinte carbone du secteur de la santé
1. Données globales sur les émissions
Le rapport révèle que le secteur de la santé est responsable d’environ 2 gigatonnes de CO2 par an. Ce chiffre est significatif lorsqu'il est comparé aux émissions d'autres secteurs économiques. Près de 71 % de ces émissions proviennent des chaînes d'approvisionnement, ce qui inclut la production de médicaments, d'équipements médicaux et de produits pharmaceutiques.
Les émissions directes issues de l'utilisation d'énergie au sein des hôpitaux, des cliniques et des infrastructures médicales représentent environ 17 % du total des émissions. Quant aux émissions indirectes, liées à la consommation d’électricité, elles comptent pour 12 % de l’empreinte totale du secteur de la santé.
2. Répartition géographique des émissions
Le rapport montre également que les émissions de GES du secteur de la santé ne sont pas réparties de manière égale à travers le monde. Les pays à hauts revenus, bien qu'abritant seulement 16 % de la population mondiale, sont responsables de 68 % des émissions globales. En revanche, les pays à revenus faibles et intermédiaires, qui représentent une majorité de la population mondiale, contribuent à une proportion beaucoup plus faible des émissions.
Les États-Unis sont les plus gros émetteurs de GES dans ce domaine, avec 27 % des émissions mondiales, soit environ 470 millions de tonnes de CO2 par an. La Chine et l'Union européenne suivent avec des parts importantes des émissions globales, à hauteur de 17 % et 12 % respectivement. Ces disparités reflètent non seulement des différences dans les systèmes de soins de santé, mais aussi dans les niveaux de consommation d’énergie et d’infrastructures.
3. Focus sur certains pays
Aux États-Unis, les hôpitaux et autres infrastructures médicales sont de grands consommateurs d’énergie, principalement en raison de l’utilisation intensive des équipements technologiques et des systèmes de climatisation.
En Inde, où l'accès aux soins de santé est en pleine expansion, le secteur de la santé émet environ 114 millions de tonnes de CO2 par an, un chiffre qui augmente à mesure que le pays modernise ses infrastructures médicales.
II. Les sources principales des émissions
1. Émissions directes
Les émissions directes proviennent de l’énergie utilisée par les hôpitaux et les établissements de soins. Cela comprend le chauffage, la ventilation, la climatisation (CVC), ainsi que l’alimentation en énergie des appareils médicaux. Un grand hôpital consomme généralement 2,5 fois plus d'énergie par mètre carré qu’un bâtiment commercial standard. En conséquence, ces établissements sont de gros consommateurs d’énergie fossile.
Les émissions de CO2 liées à ces consommations d'énergie varient considérablement en fonction des sources d’énergie disponibles dans chaque pays. Par exemple, dans les pays à faible revenu, où les infrastructures sont souvent moins efficaces, les hôpitaux peuvent dépendre davantage des combustibles fossiles, ce qui accroît leur empreinte carbone.
2. Émissions indirectes
Les émissions indirectes proviennent principalement de la production d'électricité utilisée par les établissements de santé. Dans les pays où l'électricité est produite à partir de charbon, de gaz naturel ou d'autres sources d’énergie non renouvelables, les émissions indirectes constituent une part importante de l'empreinte carbone des hôpitaux.
Selon le rapport, environ 40 % des hôpitaux dans le monde dépendent encore d’un mix énergétique où les énergies fossiles occupent une place prépondérante. Cela souligne la nécessité de passer à des sources d'énergie renouvelables pour alimenter les infrastructures de soins.
3. Chaîne d'approvisionnement
La production, le transport et l'élimination des médicaments, des équipements médicaux et des produits pharmaceutiques représentent 71 % des émissions totales du secteur de la santé. La fabrication d'équipements tels que les appareils de diagnostic, les moniteurs cardiaques et les équipements chirurgicaux nécessite des processus énergivores.
Le transport des médicaments et des dispositifs médicaux, souvent sur de longues distances, et leur élimination après usage, notamment les déchets médicaux, sont aussi des contributeurs majeurs à l'empreinte carbone globale du secteur.
III. Impacts sur la santé des changements climatiques
1. Changement climatique et santé publique
Le changement climatique est de plus en plus reconnu comme une menace sérieuse pour la santé publique mondiale. Des phénomènes climatiques extrêmes, tels que les vagues de chaleur, les inondations, les sécheresses et les incendies, ont des conséquences directes sur la santé des populations, entraînant des crises sanitaires dans plusieurs régions du monde.
Les vagues de chaleur, par exemple, ont conduit à une augmentation des cas d'épuisement par la chaleur et d'accidents vasculaires cérébraux, en particulier chez les personnes âgées et les populations vulnérables. Le réchauffement climatique exacerbe également la propagation des maladies vectorielles telles que la malaria, la dengue et le virus Zika, en augmentant la zone géographique où ces maladies prospèrent.
2. Données sur la mortalité climatique
Selon l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS), le changement climatique pourrait entraîner 250 000 décès supplémentaires par an entre 2030 et 2050. Ces décès seront dus à des facteurs tels que la malnutrition, le stress thermique, les maladies liées à l'eau contaminée et l'augmentation des maladies infectieuses.
Les populations les plus vulnérables, notamment celles vivant dans les pays à faibles revenus ou dans des régions touchées par des crises climatiques récurrentes, seront les plus touchées. Cela souligne la nécessité pour les systèmes de santé de s’adapter et de se préparer à ces nouvelles menaces.
IV. Solutions et initiatives pour réduire l’empreinte carbone du secteur
1. La transition vers les énergies renouvelables
Le passage à des sources d'énergie renouvelables est l'une des stratégies les plus prometteuses pour réduire les émissions directes des hôpitaux. De nombreux pays ont déjà commencé à investir dans les infrastructures pour adopter des énergies propres.
Le National Health Service (NHS) du Royaume-Uni est un exemple phare, visant une neutralité carbone d’ici 2040. Le NHS a déjà réduit ses émissions de 19 % depuis 2007, principalement grâce à des améliorations de l'efficacité énergétique et à l'utilisation croissante des énergies renouvelables.
2. Éco-conception et approvisionnement durable
L’éco-conception des infrastructures de santé et l'adoption de pratiques d'approvisionnement durable peuvent considérablement réduire l'empreinte carbone. Cela inclut la construction de bâtiments avec des matériaux à faible empreinte carbone et l'utilisation de technologies économes en énergie. Par exemple, certains hôpitaux suédois utilisent des toits végétalisés pour réguler la température intérieure, réduisant ainsi leur consommation d’énergie pour la climatisation.
En Suède, 98 % des hôpitaux suivent des normes environnementales strictes, favorisant l’utilisation de matériaux respectueux de l’environnement et réduisant leur dépendance aux fournisseurs qui utilisent des processus polluants. Cela montre que la réduction des émissions liées à la chaîne d'approvisionnement est également un axe crucial pour diminuer l’empreinte carbone.
3. Technologies médicales vertes
Les innovations dans les technologies médicales offrent également des solutions pour réduire les émissions. Par exemple, les bâtiments intelligents équipés de capteurs permettent de mieux gérer la consommation énergétique.
V. Études de cas et meilleures pratiques
1. Le NHS et sa stratégie pour une santé durable
Le National Health Service (NHS) au Royaume-Uni est un exemple de leadership mondial dans la lutte contre le changement climatique dans le secteur de la santé. Le NHS s’est engagé à devenir une organisation "zéro émission nette" d’ici 2040, avec un objectif intermédiaire de réduction de 80 % des émissions d’ici 2028-2032. Pour atteindre cet objectif, le NHS a investi dans des technologies plus propres, des bâtiments plus écologiques, et des pratiques opérationnelles durables. Cela inclut l’amélioration de l'efficacité énergétique des hôpitaux, la réduction des déchets médicaux, et l’augmentation de l’utilisation des énergies renouvelables.
L’un des piliers de cette stratégie est la réduction de la dépendance du NHS aux combustibles fossiles pour l'énergie. Par exemple, certains hôpitaux du NHS ont installé des panneaux solaires, réduisant leur consommation d’énergie traditionnelle. En outre, le NHS s'efforce de promouvoir des soins à domicile pour réduire la nécessité de déplacements, qui sont également une source d’émissions.
En 2019, le NHS avait déjà réduit ses émissions de 19 % par rapport à 2007, tout en offrant des soins de qualité à des millions de patients chaque année. Cette réduction est un modèle pour d'autres systèmes de santé qui cherchent à concilier durabilité et excellence clinique.
2. Hôpitaux en Suède
En Suède, l’accent est mis sur la réduction des émissions grâce à des approches innovantes dans la conception et l’exploitation des hôpitaux. Le pays a adopté une politique rigoureuse en matière de bâtiments verts et d'achats responsables dans le secteur de la santé. 98 % des hôpitaux suédois ont intégré des normes environnementales strictes, favorisant l’utilisation de matériaux de construction à faible empreinte carbone et réduisant l’utilisation de produits chimiques toxiques dans les procédures de nettoyage et de stérilisation.
De plus, la chaîne d'approvisionnement des hôpitaux suédois a été modifiée pour privilégier les fournisseurs utilisant des pratiques durables. Le transport des médicaments et des équipements médicaux est optimisé pour réduire les trajets inutiles, et les hôpitaux ont également introduit des systèmes de gestion des déchets plus performants pour réduire les émissions associées à l'élimination des produits médicaux.
3. Initiatives locales en Inde et en Afrique du Sud
Dans les pays à revenus intermédiaires comme l'Inde et l'Afrique du Sud, des initiatives locales innovantes sont en cours pour rendre les systèmes de santé plus durables. En Inde, certains hôpitaux ruraux ont intégré l’énergie solaire dans leurs infrastructures, ce qui permet de réduire les coûts énergétiques tout en diminuant les émissions de GES. L'installation de panneaux solaires dans des hôpitaux situés dans des zones éloignées offre une solution durable pour garantir une alimentation électrique fiable et propre, en particulier dans les régions où les coupures de courant sont fréquentes.
En Afrique du Sud, des programmes de sensibilisation encouragent les hôpitaux à adopter des systèmes de gestion énergétique plus efficaces et à réduire les déchets. Le gouvernement sud-africain a également introduit des incitations pour encourager les établissements de santé à adopter des pratiques plus écologiques, comme l'utilisation de technologies de traitement des déchets à faible empreinte carbone et l'installation de systèmes de récupération d'eau.
Ces études de cas montrent qu'il est possible de réduire considérablement les émissions du secteur de la santé grâce à des initiatives locales adaptées aux contextes régionaux et nationaux. Elles démontrent que les actions à petite échelle peuvent avoir un impact significatif lorsqu'elles sont menées avec détermination et avec le soutien des autorités publiques et des organisations internationales.
Conclusion : un avenir soutenable pour les soins de santé
1. Objectifs à long terme
L'avenir des soins de santé doit être intrinsèquement lié à la lutte contre le changement climatique. Les efforts déployés aujourd'hui dans le secteur de la santé pour réduire les émissions de GES auront un impact direct sur la santé des générations futures. Les objectifs mondiaux, tels que ceux énoncés dans l'Accord de Paris sur le climat, exigent que tous les secteurs contribuent à la réduction des émissions, et le secteur de la santé ne peut pas être une exception.
Le rapport "Health Care’s Climate Footprint" propose des objectifs à court et à long terme pour réduire l'empreinte carbone des soins de santé. À l’horizon 2030, le secteur doit réduire ses émissions de 50 % par rapport aux niveaux actuels, en mettant en œuvre des stratégies d'efficacité énergétique, en adoptant des énergies renouvelables, et en optimisant les chaînes d'approvisionnement. À plus long terme, l'objectif est d'atteindre zéro émission nette d’ici 2050.
2. Réflexions finales
Réduire l'empreinte carbone du secteur de la santé est une tâche ambitieuse mais nécessaire. Il est clair que les hôpitaux, les cliniques et les professionnels de la santé peuvent jouer un rôle crucial dans cette transformation. Cependant, cela nécessitera des investissements massifs dans les infrastructures, des incitations politiques fortes et des partenariats solides entre les gouvernements, les organisations internationales et le secteur privé.
Un avenir durable pour les soins de santé ne concerne pas uniquement la réduction des émissions. Il s'agit également de créer des systèmes de santé résilients au changement climatique, capables de faire face aux nouvelles menaces sanitaires posées par des phénomènes météorologiques extrêmes et par la propagation des maladies.
Finalement, la transition vers des soins de santé durables est non seulement possible, mais elle est également essentielle pour assurer la santé à long terme des populations mondiales. C’est une opportunité unique de réinventer le secteur, en intégrant la durabilité au cœur même des soins médicaux.
L'article est basé sur le rapport intitulé Health Care’s Climate Footprint, publié par Health Care Without Harm et Arup en 2019. Ce rapport présente une analyse approfondie des émissions de gaz à effet de serre du secteur de la santé à l’échelle mondiale et propose des recommandations pour réduire cette empreinte carbone. Si vous souhaitez consulter directement le rapport complet, vous pouvez y accéder via ce lien.
